"le mot du président, c'est le mot du président ....
c’est-à-dire une réflexion personnelle dont il assume personnellement la responsabilité."
Une petite boucle dans Mafate à partir de Salazie et du Col des Bœufs. Ce n’est pas très original comme programme, mais c’est toujours plaisant, tout particulièrement pour ceux de notre groupe qui n’avaient encore jamais (les pauvres !) mis le pied dans ce cirque mondialement connu et universellement célébré sur toute l’étendue de notre planète (et peut-être même au-delà). Sur les 25 que nous étions, il me semble en avoir compté 5 ou 6 (les veinards !) qui se trouvaient dans le cas de profiter pour la première fois de ce lieu extraordinaire. Bienvenue donc à ces néo-Mafatais dans la noble confrérie des vieux Mafatais !
Pour arriver à pied d’œuvre depuis Le Tampon, nous nous étions psychologiquement préparés à faire plusieurs heures de route. Mais ce que nous ignorions, c’est que, là-haut, nous allions atterrir dans un encombrement si considérable que notre car eut bien des difficultés à nous emmener jusqu’à notre point de départ. La cause de cet embouteillage imprévu ? Un « kabar » qui avait été convoqué à Marla et avait attiré là une foule de jeunes fêtards amateurs de musique. Le parking du Col des Bœufs ayant été de ce fait saturé, beaucoup de voitures avaient dû se garer bien plus bas, tout au long de la route, un peu n’importe comment, parfois obstruant presque le passage…
Parvenu malgré tout à l’entrée du parking, là où se trouve l’emplacement qui, normalement, permet aux cars d’effectuer commodément leur demi-tour, ce fut pour constater que cet endroit stratégique était bel et bien bloqué par les voitures garées sur toute la surface de cette zone pourtant interdite au stationnement. Plus moyen d’avancer, plus moyen de reculer, plus moyen de tourner ! Nous étions désolés de devoir abandonner notre pauvre chauffeur et de le laisser se dépêtrer de cette situation apparemment inextricable par ses propres moyens. Avant de le quitter lâchement, nous l’avons toutefois gratifié d’un bon conseil : faire appel à la maréchaussée !
C’est que, nous autres, nous étions pressés car Mafate nous attendait. Dès que nous avons eu atteint le col, nous avons vu le paysage du cirque se déployer au dessous de nous dans toute sa gloire, resplendissant sous le soleil. Après la descente du rempart, ce fut la traversée de la Plaine des Tamarins avec sa forêt remarquable. Une forêt fantastique même par beau temps (alors imaginez-la dans la brume !) avec ses arbres aux formes extraordinairement tourmentées, aux silhouettes tarabiscotées et tordues en tous sens, comme emportées dans une danse échevelée et sauvage. Une forêt paradoxale dont les troncs enchevêtrés et pointant dans toutes les directions possibles, tendent moins, comme on s’y attendrait, vers la verticale que vers l’horizontale, certains même s’essayant à ramper sur le sol…
Puis ça a été la descente dans la Rivière des Galets. Là, nous avons trouvé beaucoup de gens qui barbotaient dans l’eau, sans doute dans le but de se remettre des fatigues de la fête nocturne à laquelle ils avaient participé. Nous nous sommes installés près de la passerelle Ethève pour déjeuner au bord de l’eau. Certains, Hugo, Geneviève, moi-même, en ont profité pour aller faire trempette dans l’eau rafraichissante. Puis, sans nous presser, nous nous sommes ensuite dirigés vers la Plaine au Sable, où nous sommes arrivés de bonne heure.
Si le gîte de Martial Gravina, à La Plaine au Sable, a toujours pour lui sa situation exceptionnelle (ses bungalows sont douillettement blottis au creux d’un vallon abrité, entourés de quelques cultures et d’une poignée de z’animaux), je ne suis pas le seul, parmi ceux qui le fréquentent depuis des années, à avoir été déçu par la façon dont nous y avons été « accueillis », ou plutôt « pas accueillis ». Les hôtes semblent s’imaginer qu’ils pourraient se contenter d’assurer à leurs clients le gîte et le couvert et rien de plus. Alors, de leur part, pas un bonjour, pas un sourire, pas un effort pour échanger avec les clients hébergés ne serait-ce que les quelques banalités qu’en pareil cas il est d’usage d’échanger.
Je me souviens pourtant des soirées animées d’autrefois, du temps de José notre ancien président, quand nous nous serrions tous dans le boucan, pour nous réchauffer autour du feu en attendant le dîner et pour chanter avec le maître des lieux en nous accompagnant d’un tambour. Mais « si vi souviens, comme ça l’est loin », aujourd’hui le gîte Gravina, c’est devenu froid, anonyme, sans âme. Plus de chaleur, plus de boucan, plus de chants… Dommage ! Je ne suis pas sûr, dans ces conditions, d’avoir envie d’y retourner de sitôt…
Mais les insuffisances de nos hôtes en matière d’hospitalité et d’élémentaire courtoisie n’ont pas réussi à compromettre notre bonne humeur et notre dîner s’est déroulé dans une ambiance joyeuse et très conviviale où les rires et les chansons n’ont pas fait défaut. Citons en particulier trois demoiselles qui se sont montrées particulièrement gaies et enjouées : Miguy, Catherine Gouljar et Géraldine. Du bout de la table où j’étais assis, je les entendais à l’autre bout qui s’esclaffaient bruyamment en compagnie d’un Jean-Michel également très en verve. A noter que l’une de celles-ci est affectée d’un mal curieux et très invalidant, la batracophobie ou phobie pathologique des crapauds. Elle a d’ailleurs fait appel à moi pour que je l’escorte entre la salle à manger et son bungalow pour le cas où l’un de ces innocents batraciens aurait décidé – le vilain ! – de dresser sur son chemin une embuscade sournoise !
Le lundi matin, c’est la pluie que nous avons trouvé à notre réveil. Mais, comme je me suis permis de le dire à mes amis : « Pluie du matin n’arrête pas le pèlerin (ou le marin, au choix) ». Il est toujours bon, en effet, de se référer à la sagesse ancestrale telle qu’elle s’est précieusement conservée dans nos vieux dictons et proverbes ! Nous avons donc dû, dès le départ, endosser les anoraks, capes ou ponchos. Par la suite cette pluie a eu le bon goût de s’interrompre pendant d’assez longues périodes, par exemple pendant notre halte à La Nouvelle (la capitale du cirque avec ses larges avenues et ses vastes places où manquent juste les statues équestres), avant de reprendre ensuite de plus belle. Puis ce fut de nouveau la traversée de la tamarinaie, l’escalade du rempart, le franchissement du col et la redescente vers le parking où nous avons déjeuné sous un kiosque (la pluie était de nouveau de la partie) en attendant notre car.
L’un des intérêts de la marche en groupe, chacun de vous a déjà dû l’expérimenter, ce sont les relations avec les compagnons de marche qui, randonnée après randonnée, se nouent et se renouent, se poursuivent et s’approfondissent. Cela passe par ces discussions à bâtons rompus que l’on mène chemin faisant, tout en marchant. Pour ma part, j’ai pu reprendre avec Catherine Guelt une très intéressante conversation, commencée dans une précédente randonnée, sur un sujet qui la concerne directement pour des raisons familiales aussi bien que professionnelle : l’éducation des jeunes sourds.
J’ai eu aussi un échange linguistique assez pointu avec Anne-Marie, laquelle aurait voulu que je l’éclaire sur la différence existant entre un adage et un proverbe. Un peu pris de court, j’ai néanmoins essayé de faire bonne figure et de ne pas trop la décevoir. Je lui ai pour cela improvisé, tant bien que mal, un petit topo plutôt approximatif sur la question en essayant de définir et d’exprimer les nuances de sens entre ces notions.
Ce que je mettais surtout en avant, c’était ce que ces deux notions (et les notions voisines : voir l’annexe) ont en commun, par delà ce qui les distingue, le fait d’énoncer des vérités générales, universelles (valables en tout temps, en tout lieu et pour tout un chacun) ; le fait également d’avoir un caractère prescriptif, de se donner comme des conseils plus ou moins impératifs. Rentré chez moi, j’ai consulté mon Littré. Je recopie en annexe, pour ceux que cela intéresserait, les définitions que j’y ai trouvées. Ils pourront constater que tous ces quasi-synonymes sont en fait bien proches et se recoupent en partie.
Puisque j’évoque Anne-Marie, je tiens à citer, pour que d’autres que moi puissent en profiter, une belle formule traduite de l’anglais que je lui suis reconnaissant de m’avoir fournie. C’est un adage digne de la sagesse antique, d’un optimisme raisonnable et résolu : « Aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie ».
Avant de vous quitter, je vous signale que je serai absent de l’île pendant cinq semaines : je pars en effet, en compagnie d’Hélène, de Jean-Paul et de Mélanie (entre autres), faire un tour en Extrême Orient : Cambodge et Tonkin sont à notre programme.
Je vous souhaite plein de bonnes choses. Nous a retrouve !
André, le 14 avril 2015.
Annexe : définitions du Littré
Adage : maxime pratique ou juridique, ancienne et populaire.
Aphorisme : formule ou prescription résumant un pont de science ou de morale.
Apophtegme : parole mémorable ayant une valeur de maxime.
Dicton : sentence passée en proverbe.
Maxime : règle de conduite ou règle de morale formulée de façon lapidaire.
Précepte : formule qui exprime un enseignement, une règle, une recette (art, science, morale, etc.).
Proverbe : vérité d’expérience ou conseil de sagesse pratique et populaire commun à tout un groupe social, exprimé en une formule elliptique généralement imagée et figurée.
Sentence : pensée (surtout sur un point de morale) exprimée d’une manière dogmatique et littéraire.